Encore une compilation rétro comme les gros éditeurs japonais savent si bien les faire, et sur la Switch qui plus est... question de massivement rentabiliser l'opération. Oui, mais là c'est la première trilogie Mana, saga inventive, naïve et ensorcelante que les petits français avaient découvert avec Secret of Mana sur Super Nintendo le gratifiant d'un statut de classique instantané.
Si l'univers Mana a tant marqué les joueurs occidentaux et ce malgré un nombre de titres finalement assez réduits (à peine huit dont des remakes), c'est qu'il fut pour beaucoup la première confrontation directe avec un RPG à la japonaise... En particulier en France où les Final Fantasy ne pointèrent leur nez que sur Playstation. La preuve, Secret of Mana fut même vendu avec un guide complet, tant l'éditeur local était persuadé que cette longue aventure serait trop ardue pour les pauvres joueurs français.
Amusant quand on sait que l'ambition première de Squaresoft était avec le tout premier Final Fantasy Gaiden : Seiken Densetsu de tempérer leur approche RPG avec la dynamique d'un certain Zelda. Un spin of de Final Fantasy donc, connu aux USA sous le titre Final Fantasy Adventure et en France Mystic Quest, qui décrit la rébellion d'un gladiateur qui va s'extraire de l'arène pour sauver l'arbre Mana (en gros). Une trame volontairement classique qui va devenir une marque de fabrique, une mise en avant de l'exploration dans des paysages plus ouverts que la référence de Nintendo et un soupçon de gestion d'équipement et de stats qui semble forcément un peu limité aujourd'hui avec son level design calibré pour la Gameboy. Le soft garde un charme certain, autant par ses mélodies mémorables signées Kenji Ito (les SaGa) que par ses élans constants vers un Action-RPG plus moderne. De ce coté là c'est clairement Secret of Mana (ou Seiken Densetsu II) qui s'impose avec une cartouche Super Famicom beaucoup plus généreuse et une ambition poétique bien plus marquée comme en atteste immédiatement l'écran du menu principal et sa mélodie qui s'envole en même temps qu'une floppée de volatile. Un titre avec ses petits défauts (merci le clipping et les bugs d'affichage à foison) mais qui enthousiasme à chaque partie grâce à sa direction artistique impeccable, ses petites trouvailles de gameplay (les menus rotatifs qui apparaissent sans changer d'écran) et... La possibilité de jouer à trois en même temps. Un cas unique dans le genre alors, et toujours bien trop rare aujourd'hui.
Mais malgré le succès indéniable de Secret of Mana, les occidentaux attendront longtemps le suivant Seiken Densetsu III, chant du cygne de la console de salon de Nintendo que les revues spécialisées qualifiaient, à raison, de plus beau titre de la machine. Enormément dans les rails de l'épisode précédent, mais avec une touche plus massive dans ses modélisations 2D qui font parfois penser aux monstrueux Final Fantasy VI ou Chrono Trigger, celui qu'on appelle désormais Trial of Mana, perd certes un personnage jouable en multi (plus que deux donc), mais se trouve une maturité nouvelle avec un scénario plus construit, ou en tout cas plus épique dans ses interactions entre les six personnages à choisir au début de l'aventure. Oui, les créateurs des SaGa sont passés par là. L'un sera le héros principal, et deux autres serviront d'acolytes qui le rejoindront un peu plus tard dans sa quête. Une petite touche de liberté qui fait apparaitre de nombreuses subtilités et variation dans les dialogues et les situations et offre ainsi une re-jouabilité plus que convaincante. D'autant que la prise en main est toujours aussi efficace, la progression rythmée avec des petits challenges bien dosées, toujours adoucie par ses allures de ballade enfantine.
Musiques somptueuses, fresque pleine de fantasy, dépaysement et magie, c'est un peu tout cela la Collection of Mana que Square-Enix propose désormais comme une Madeleine de Proust avec l'excellente surprise suplémentaire que les trois opus sont disponibles dans leurs versions d'origines (aurevoir le vilain portage de Secret of Mana) et avec systématiquement une traduction française. Celles bien connues pour les deux premiers épisodes, mais une localisation totalement inédite pour le troisième ! Ici ce sont les jeux qui crées véritablement l'évènement et non les options fournies par l'éditeur. Les choix d'affichage sont, il faut le dire, assez pauvres (aucun filtre en dehors d'un petit zoom gadget pour pas trop avoir les yeux qui piquent), et seule finalement la possibilité d'écouter dans le menu initial les trois bandes originales peut faire office de bonus pour les collectionneurs. Vu le prix du logiciel en téléchargement et celui annoncé pour sa très limitée édition physique à venir, il y aurait de quoi bouder la sortie... Si on avait tout simplement pas attendu ce Seiken Densetsu 3 pendant plus de vingt ans !






