Cinq ans après la quatrième saison, la petite bande menée par Dan Harmon et Justin Roiland, a enfin livré sa copie de 10 nouvelles aventures délicates et chamarrées menées tambour battant par les aventuriers de l'ailleurs papy Morty et couillon Rick... Et le reste de la petite famille bien entendu, tout aussi dysfonctionnelle.
Entamé en 2013 comme une extension irrévérencieuse d'un court métrage parodiant bien évidemment le duo iconique de Retour vers le futur, Rick and Morty s'est rapidement imposé comma la série incontournable de la case adulte de Cartoon Network. Une nouvelle charge sur la sacro-sainte famille américaine, dont chaque membre cultive ouvertement ses multiples névroses et où une fois encore on ne sait jamais vraiment si c'est l'amour ou la haine qui les tient si unis, mais dont l'enrobage science-fictionnel permet toute les outrances. Très inspiré par l'humour absurde de Douglas Adams (Le Guide du voyageur galactique) et par les logiques temporelles et dimensionnelles de Doctor Who et des comics Marvel et DC, la série s'offre un énorme melting-pot de clins d'œil, de détournements, de mix improbables et de concepts scientiphico-philosophiques poussés jusque dans leurs derniers retranchements. Ici une multiplication des familles leurres (doubles robots censés protéger contre un assassinat surprise) dont les révélations successives et le doute sur la famille originale va tourner à une guerre sanglante entre multiples. Ici aussi des apparitions successives de Rick dans une dimension parallèle qui va entièrement en conditionner l'évolution, la civilisation et la religion du peuple rencontré au cours des siècles. Mais Peut-être que la plus grande marque de culot de la série est d'avoir, au milieu de ce capharnaüm, de ces épisodes en formes de poupées russes façon Rumik's Cube, réussi à imposer une ligne de fond étonnamment émotionnelle.
Si la famille Sanchez ne cesse d'être pulvérisée, remplacée, lobotomisée et les versions du savant fou Morty démultipliées, il y a un attachement aussi réel que maladif qui existe entre eux. Alcoolique, pervers, égoïste, sanguinaire et sociopathe, Rick peut ainsi se révéler étonnamment humain par un lourd passé dont on ne connaîtra finalement la réelle teneur que dans le dernier épisode de cette 5ème saison. Rickmurai Jack qui s'ouvre par un faux générique d'anime japonais (hilarant), renoue avec le fil conducteur du Evil Rick des saisons précédentes dans une apocalypse façon 2001, et coupe les jambes par un superbe flash-back sans parole à la mélancolie poétique. Osé, tout comme delaisser le dernier mot de la saison à mr Poopybutthole, souffre douleur habituel de la série, que l'on découvre seul dans un appartement miteux, divorcé et qui expose ses regrets de ne pas avoir su saisir l'amour quand il était devant lui... C'est sans doute ce sens du désespoir, ce nihilisme constant (il faut voir la place qu'a la vie humaine dans ce space opera décadent) qui rend paradoxalement l'humour vachard et parfois bien en dessous de la ceinture, aussi irrésistible. Les super-sentaï et autres kaijus, les Transformers, Galactus, Captain Planet, la tradition des épisodes de Thanksgiving, Scarface ou Vampire Hunter D font partie des allusions plus ou moins appuyées dans ces 10 épisodes, mais il faut avouer que le traitement alloué à Hellraiser où le summum de la douleur extatique est obtenu par les cénobites en passant une soirée avec le paternel Jerry, reste un grand moment de bonheur... et de gène.
Au milieu d'un déluges de nouvelles références parodiées et savamment taclées et de concepts SF totalement vertigineusement complexes et cons à la fois, la cinquième saison de Rick and Morty est très loin de l'essoufflement annoncé et fait même preuve d'une troublante maturité ... avant de balancer une horde de spermatozoïdes géants et voraces sur le capitole.




