La poupée diabolique est l'un des vastes thèmes résurgents du cinéma fantastique... Plus encore lorsque cette dernière s'avère une marionnette pour ventriloque. Un double d'autant plus inquiétant qu'il est animé par un Anthony Hopkins déjà particulièrement doué pour filer les chocottes d'un simple regard.
Adapté de son propre roman par William Goldman (L'Ombre et la proie, Les Hommes du président...), Magic ne cache absolument pas son inscription dans une longue tradition de poupées de ventriloques « possédées », inquiétants les spectateurs depuis les premières représentations par leur animations suspectes de traits mécaniques. Directement et officiellement inspiré du fameux sketch de l'anthologie Au Cœur de la nuit (exactement comme le mémorable épisode de La Quatrième dimension et le plus satanique La Poupée diabolique), Magic repose cependant, malgré son titre volontairement trompeur, sur un postulat beaucoup plus psychologique. En dehors de quelques détails curieux où l'on hésite entre l'accident heureux et la petite manipulation sadique, Fats ne s'échappera jamais pour aller commettre quelques meurtres sanglants comme son petit-fils rigolard Chucky. Fats est une vraie poupée, constamment collée à son manipulateur, Corky, magicien d'une timidité maladive enfin sur la voie du succès. Un personnage extrêmement fragile, souvent au bord de colère et de tremblements incontrôlables, incarné par un Anthony Hopkins encore peu connu (il jouera dans Elephant Man deux ans plus tard), mais déjà particulièrement impressionnant dans la fébrilité et l'intensité de son jeu.
Son rapport toujours ambivalent avec sa poupée, son double, qui lui permet de se protéger sur scène, mais aussi d'exprimer sa part d'ombre, ses pensées plus mordantes, tire nettement le film vers le thriller psychologique habile, où il parait évident que peu à peu Fats prend le contrôle de son créateur, quitte à lui voler la parole, puis le libre arbitre. Une construction et une montée en puissance implacable dont l'enjeu reste la santé mentale de Corky hésitant entre s'échapper avec une Ann-Margret d'une sobriété étonnante, ou plonger définitivement dans une schizophrénie de plus en plus envahissante. Un état mental qui d'ailleurs transforme le cadre, au départ on ne peut plus réaliste et lumineux, glissant vers des éclairages plus marqués, une atmosphère limite gothique, inspirée en partie par Psychose. Pas étonnant que ce travail soit en grande partie porté par le compositeur Jerry Goldsmith, habile ré-orchestrateur de Bernard Herrmann, qui délivre une nouvelle partition envoûtante entre thème mélancolique et envolées tendues. Surtout connu pour ses films de guerre (Un Pont trop loin) et ses hagiographies empruntées (Cry Freedom, Gandhi...) et pour avoir été le gentil papy de Jurassic Park, Richard Attenborough ne semblait pas de prime abord le metteur en scène idéal pour ce genre de psycho-thriller moderne, mais il faut reconnaître que la finesse de sa direction d'acteurs et l'académisme certain de sa réalisation apporte une crédibilité certaine à Magic, un réalisme presque mélodramatique où les sorties verbales de Fats et ses traits enfantins et grotesques, vision déformée d'Hopkins, tranchent plus encore. Magic n'est pas un film d'horreur à proprement parler, mais cela ne l'empêche pas de provoquer quelques vrais frissons...


