Projeté en 1998 en France, Made in Hong Kong fut un choc pour les spectateurs plus habitués aux spectacles pyrotechniques et virtuoses en provenance de la péninsule, centre névralgique des décennies durant d'un cinéma fougueux et populaire. Une chronique amère aux airs de lendemain de cuite.
Réalisateur d'une petite comédie romantique (Five Lonely Hearts) et d'un film d'horreur (Finale in Blood), Fruit Chan restait assez insatisfait de ses premiers essais, lorsqu'il se découvrit l'ambition de produire un film sur cette inquiétante rétrocession de Hong Kong à la Chine continentale qui se profilait. Un tournant dans l'histoire de cette ancienne colonie Britannique dont finalement l'avenir était plus incertain que jamais et l'indépendance sérieusement remise en question. Une tension palpable dans le cinéma hongkongais depuis des années, mais jamais abordée de front, ce que ne va d'ailleurs pas tout à fait faire Fruit Chan. De la rétrocession il n'y est ici question que par allusions, par quelques détails, et surtout par la description d'une réalité sociétale peu reluisante, s'attardant sur quelques quartiers très modestes de la ville, occupés par des usuriers qui fondent littéralement sur les familles comme des vautours. Ici la rétrocession est aussi un horizon bouché, écrasés, presque un mur que personne ne semble plus capable de franchir. Désenchanté, Made in Hong Kong l'est assurément lorsqu'il présente un monde adulte ayant déjà baissé les bras, refourguant à la jeune génération toutes leurs dettes, financières mais aussi morales et culturelles.
Si on y suit la quête de reconnaissance de l'ado Mi-Août (excellent Sam Lee revu dans Bio Zombie), petit frappe sympathique se rêvant vaguement grand truand, se partageant entre une amitié curieuse pour un orphelin limité et une amourette sincère pour l'espiègle Ah Ping en attente d'une transplantation, les parenthèses enchantées se font de plus en plus rares que le film avance vers l'inexorable. Comme si la violence constamment présente en toile de fond se devait de les rattraper, comme si surtout cette mort omniprésente se devait de les contaminer. Le film s'ouvre sur une gamine qui se jette du haut d'un immeuble, et elle semblera venir hanter tout le reste du film aussi bien de manière truculente (Mi-août est persuadé qu'elle est à l'origine de ses pollutions nocturnes) que profondément pessimiste. Le récit d'une jeunesse condamnée, mais capable encore de philosopher sur sa condition en voix off, qui est constamment nourrie par une envie de cinéma communicative. En descendant des déconstruction de Wong Kar Wai (Chunking Express), Fruit Chan et sa toute petite équipe de tournage expérimente sur des restes de pellicules de la société de production d'Andy Lau, affichant une rage de survivre et une passion pour un cinéma moderne, vive et vibrante. Ralentis, arrêts sur images, dézooms, variations photographiques, les détails les plus sombres du film sont souvent emportés par ce besoin de laisser coûte que coûte une trace gravée sur le celluloïd. Sans atteindre les même rives nihilistes, Made in Hong Kong par son sujet, son grain de pellicule et un retour dans le spectaculaire cimetière de Pok Fu Lam, n'est pas sans rappeler le cultissime L'Enfer des armes du seigneur Tsui Hark. En 20 ans l'horizon ne s'est pas dégagé pour la jeunesse hongkongaise et la vengeance armée, le suicide romantique, reste l'ultime cri avant la chute.



