Déjà 20 ans que le premier chapitre, La Communauté de l'anneau, est venu frapper les écrans de sa maîtrise et de son imaginaire renversant. Après toutes ces années, un déluge de blockbusters fantasy, une seconde trilogie plus féerique et prochainement une série tv sur Amazon Prime, que reste-t-il du Seigneur des anneaux ? Tout.
Il peut être difficile d'imaginer, ou de se souvenir, aujourd'hui du choc qu'a pu provoquer la découverte du premier La Compagnie de l'anneau sur grand écran, et l'attente insoutenable mais grisantes des versions longues distribuées DVD un an plus tard pour s'ecchaufer avant le chapitre suivant. Sauf sans doute pour les plus âgés qui connurent les mêmes sensations ou presque avec la première trilogie Star Wars. Deux grands récits fondateurs, ancrés dans les racines mythologiques et littéraires de l'occident, dont l'ambition cinématographique fut essentiellement d'émerveiller, de faire voyager, de célébrer des esprits chevaleresques et romantiques, quitte à faire plier les techniques et l'industrie sous leur ambition démesurée. Double pari pour Peter Jackson même qui devait se confronter directement à l'adaptation du premier grand texte d'Heroic Fantasy. Un classique absolu de la littérature fantastique jugé pendant des décennies inadaptable. L'excellent réalisateur de film d'animation Ralph Bakshi s'y était cassé les dents en 1978, laissant sa vision inachevée malgré un premier opus plus que méritant. Les années ont passé, les technologies et les effets spéciaux ont considérablement progressés (et les gars de Wetta sont loin d'être des manches) mais au-delà de l'impressionnante maîtrise technique des trois films, rivalisant de prouesses de maquillages et d'images de synthèses, les plus grandes qualités de ce Seigneur des anneaux ne se trouvent sans doute pas là.
Ce que n'ont clairement pas compris la plupart des blockbusters projetant le moindre fantasme de space opera ou de super-héros mais avec ce soucis de propreté et de lissage bien professionnel, c'est que le cinéma de cette envergure a besoin d'aspérités. Si la musique grandiose d'Howard Shore, les paysages ravissant d'un univers médiéval de légendes et les grandes envolées furieusement épiques restent ancrées en mémoire, c'est parce que rarement un film de Fantasy n'a autant donné l'impression de vivre, de respirer devant les yeux du spectateur. Une sensation permise par une multitude de détails allant de la rigueur des costumes, la construction de chaque culture, l'importance de l'écriture et des langues, mais aussi des incongruités qui sont totalement propre à Peter Jackson : les faiblesses des personnages, le ridicule de certains évènements même au cœurs de la plus déchirante des défaites, le glissement temporaire vers le cinéma d'horreur, l'humour bon enfant que certains jugeraient trop lourd.. Tout cela tisse une trame qui inconsciemment créer ce sentiment de réel, de proximité, que ne peut alors que sublimer l'intelligence et la puissance de la direction artistique et ce mariage parfait entre quêtes humanistes (tous les personnages sont à la recherche d'eux-mêmes) et d'enchaînements, parfois éreintants mais jubilatoires, de morceaux de bravoures ébouriffants et émotionnellement déchirants à la fois. Les acteurs sont formidables, la réalisation idéale, la production riche en tous points, et la fresque d'ensemble est à la fois le plus bel hommage que l'on pouvait faire à J.R.R. Tolkien et la continuation du cinéma prodigue de Peter Jackson.
...Ce qu'on aimerait parfois revenir à cet hivers 2001, dans cette salle de cinéma plongée dans le noir, happés en quelques secondes par la voix de Galadriel « One ring to rule them all, one ring to find them, One ring to bring them all and in the darkness bind them »...


