Tourné au déclin des grands films noirs dont la puissance fut considérablement amoindrie par la généralisation de la couleur et l'essoufflement du genre, The Trap offre à Richard Widmark un voyage vers ses racines, et un véritable saut dans le temps dans un ouest sauvage lui aussi en voie de disparition.
Petite production distribuée par Paramount à la toute fin des années 50, The Trap a ses petits airs immédiatement attachants du film en forme d'anomalie, étrange écho de deux genres purement hollywoodiens, le film noir et le western, qui ne vont cesser justement d'être vampirisés et malmené dans la décennie suivante. D'autant plus étonnant que ce croisement soit à l'initiative du réalisateur Norman Panama, yes-man de service surtout spécialisé dans les grands mélo et les comédies légères (Le Grand secret, Un grain de folie, Astronautes malgré eux) venant titiller les derniers succès du box office. Si on repère ici une grande proximité avec des œuvres comme Les Inconnus dans la ville ou Un Homme est passé, The Trap (laissons de coté le titre français voulez-vous ?) ne s'inscrit pourtant dans aucune vague, dans aucune mouvance, dans aucune facilité. Si la mise en scène proprement dite, cadrage et mouvements de caméra, ne restera pas dans les annales, il y a cependant une tension exponentielle qui nourrit cet étrange thriller démarrant comme de banales retrouvailles familiales lorsque le fils honnis tente de faire amende honorable auprès de sa famille délaisséee, pour s'achever avec la rage d'un survival chauffé à blanc par le désert. Sans une once de gras, le film avance inexorablement faisant sien les multiples perte d'équilibre et les débordements de plus en plus évidents d'un genre à l'autre.
Car du mélodrame il y a en a certainement, dans ce face à face entre un Widmark impeccable face à son père (shérif bien entendu) rancunier tout d'abord, puis face à son frère (adjoint cela va de soit), moins charismatique et jaloux de l'admiration que lui porte sa femme, ancien amour incarnée par la sculptural Tina Louise (Le Petit arpent du Bon dieu, La Chevauchée des Bannis, Sapho) à la sensualité presque réservée d'une femme au foyer prête à retrouver sa liberté. Autant dire torride. Un trio de grand drame familial, surtout là finalement pour impulser plus d'implications encore du spectateur dans une montée en pression admirablement gérée. L'ennemi ici n'est ni plus ni moins que le narquois Lee J. Cobb (spécialiste des personnages odieux comme dans 12 Hommes en colère), mafieux en fuite mais sans pitié, dont l'arrivée, avec ses hommes de mains, dans la petite ville de Tulsa, ressemble autant à un épilogue de film noir qu'au départ d'un grand western à l'ancienne. Les voitures ont bien entendu remplacés les chevaux, mais le décors aride avoisinant est toujours aussi suffocant et implacable, et rien ne ressemble autant à un assaut à la Rio Bravo que deux frères, accompagnés de la femme qu'ils aiment et du gangster qu'ils pourchassent, retranchés dans une épicerie isolée. Il lui manque forcément cette petite once de virtuosité supplémentaire, d'évidence frappante, pour s'inscrire comme un incontournable, mais ce western moderne est un divertissement qui galope à bride abattue.


