Sept ans avant M*A*S*H*, le réalisateur du magnifique Seuls sont les indomptés tente une chronique douce amère sur le corps médical de l'armée américaine (avec des psychiatres en lieu et place des chirurgiens) mais peine visiblement à trouver le ton juste.
Le Combat du capitaine Newman est l'adaptation d'un roman de Leo Rosten publié en 1961. Bien que fictif, le personnage de Newman est inspiré de la vie et de la carrière d'un psychiatre aussi célèbre que réel : le docteur Ralph Greenson. Freudien convaincu, Greenson débute ses travaux pendant la Seconde Guerre Mondiale et théorise (en partie) le syndrome du stress post-traumatique, sans lui donner encore de nom. À la fin de la guerre, Greenson se reconvertit en psychiatre pour célébrités, parmi lesquelles Marilyn Monroe, Frank Sinatra, Vivien Leigh et ... Tony Curtis. Hasard ou non, ce dernier écope du rôle de l'infirmier caporal Jackson Leibowitz. Et ce n'est pas la dernière des coïncidences amusantes émaillant la production du film de David Miller. Cinéaste docile et touche à tout (en d'autres termes, un yes man), David Miller dut attendre 1962 pour accrocher à sa longue filmographie un authentique chef d'œuvre (Seuls sont les indomptés, donc), même si tous les lauriers furent adressés à sa star, Kirk Douglas. La même année, Gregory Peck s'offrait un rôle mythique, sans doute le plus emblématique de tous, avec le Atticus Finch de Du silence et des ombres devant la caméra de Robert Mulligan. Film où, pour la première fois, le talent d'un tout jeune Robert Duvall se fit remarquer.
Tony Curtis, David Miller, Gregory Peck, Robert Duvall. Tous se retrouvent pour Le Combat du Capitaine Newman et sont rejoints par Angie Dickinson, le chanteur Bobby Darin et Eddie Albert, éternel second rôle nominé à l'Oscar en 1954 pour Vacances Romaines, véhicule à succès pour Audrey Hepburn et ... Gregory Peck. Hollywood est un microcosme.
Bien qu'il traite d'un sujet on ne peut plus sérieux, Le Combat du capitaine Newman s'autorise fréquemment à dériver vers la comédie. Avec un résultat en demi-teinte. Véritable voleur de scène, Tony Curtis est sans conteste le point fort du film de David Miller. Son rôle d'infirmier grande gueule et débrouillard anticipe à la fois le Hawkeye de M*A*S*H* et le McMurphy de Vol au dessus d'un nid de coucou même si son interprétation aurait plutôt tendance à piocher dans les grandes heures de la screwball comedy des années 40. En militaire catatonique, Robert Duvall tire joliment son épingle du jeu et ses scènes sont empreintes d'une belle émotion à fleur de peau. Même constat pour Eddie Albert qui parvient à rendre crédible et inquiétante la partition pourtant casse-gueule du gradé schizophrène et suicidaire. Nominé à l'Oscar (et là on se demande quand même pourquoi), Bobby Darin fait malheureusement basculer le film dans le psychodrame à deux sous et en fait des caisses en jeune trouffion cachant ses fêlures derrière une attitude exubérante. La prestation assez ridicule (« you never go full retard. », la règle s'applique ici) de Darin symbolise la difficulté de Miller a faire coexister le sérieux et la légèreté, l'hommage aux combattants et la critique des absurdités de la guerre. Comme si l'équilibre du récit n'était pas suffisamment précaire, le script en rajoute une couche avec une love story totalement superficielle entre Gregory Peck et Angie Dickinson.
Un peu trop long pour son propre bien, maladroit dans le choix de l'intrigue qui est censé en constituer le cœur, Le Combat du capitaine Newman est sauvé par une partie de son casting et le savoir faire de David Miller et peut timidement se vanter d'avoir défriché le terrain pour Robert Altman et Milos Forman.



