Enfant (vieillissant) terrible du cinéma japonais, Sono Sion est aussi l'un de ses artisans les plus productifs, presque aussi frénétique que le frère déviant Takeshi Miike. Une force de création qui donna même une année 2015 où pas moins de six long métrages et une série TV furent marqués de sa signature. Une année a marquer d'une pierre blanche puisqu'en plus de ce pari fructueux, elle vit aussi la naissance du très particulier Love & Peace.
Un film qui, comme son nom l'indique, s'éloigne fortement de sa violence habituelle, de son chaos nihiliste et de sa cible ado/adulte anar. Retrouvant un vieux script écrit dans les années 90, oublié dans un tiroir, Sono Sion signe là son premier film véritablement grand public, familial même, offrant un curieux, mais très naïf, conte de noël. Comme toujours avec le monsieur, il n'est d'ailleurs pas question de se restreindre puisqu'il sera bel et bien question, dans une pirouette bien casse-tronche, du Père Noël en personne. Un élément parmi d'autre, dans ce divertissement essentiellement joyeux, survolté et musical, qui semble emboîter plusieurs films en un seul. D'un coté l'ascension d'un jeune homme à la timidité maladive qui va devenir la nouvelle star de la J-pop. De l'autre un vieux clochard qui vit dans les égouts et sauve les jouets oubliés et leur offre le don de la vie. Et au milieu une adorable tortue qui par magie (et allégorie) va servir de muse à son maître, tout en devenant de plus en grande et embarrassante. Jeux hystériques et outrés, effets spéciaux très aléatoires, esthétique pop très marquée, trame chaotique à souhait, Love & Peace a effectivement les apparences premières d'un film pour enfant à la nippone, mais la personnalité atypique de Sono Sion vieille au grain et sous les bons sentiments se cache constamment une pointe de cruauté et de désespoir qui rappelle sans détour l'un des films préféré du cinéaste : Babe, un cochon dans la ville de George Miller.
Un faux film familial là aussi, une autre chronique noire où l'apparition d'un sympathique animal permet de souligner sans fard les grands travers du monde moderne. Dans Love & Peace, entre deux chansons bien sucrées, il est bel et bien question du grand projet des Jeux Olympique 2020 censés permettre au pays de retrouver sa prospérité passée (l'ironie en est aujourd'hui plus frappante encore), d'une société de consommation produisant plus de déchets que d'amour, d'un monde du travail humiliant les faibles, d'un pays sans mémoire et d'une industrie de la musique vampirisant ses artistes et les transformants en pantin ridicules et vides. Fable artistique autant que charge politique, Love & Peace est comme souvent avec son créateur un film du trop plein, rempli jusqu'à la gueule d'idées, d'inspirations et d'orientations... Car il ne faut pas oublier que derrière tout ça, ce dernier est pour Sono Sion son film de monstre à la japonaise. Un keiju eiga qui réussit à rendre hommage en quelques lignes, en quelques scènes à l'historique complet de la célèbre tortue géante Gamera (de ses rapports psychiques aux humains à son imagerie de protecteur de la nature) culminant bien entendu dans une gigantesque séquence de tokusatsu orchestrée par le génie Kiyotaka Taguchi (responsable de deux énorme Godzilla des années 2000 et des dernières itération d'Ultraman). Le point d'orgue du film où la destruction de la ville devient une traversée victorieuse aux airs d'un hymne à la joie synthétisé et où les riches décors d'une ville miniature laissent place à un plateau géant du jeux de société Destin. Ahurissant, fascinant et assez génialement foutrak.




