Sorti quelques mois seulement avant le succès imposant du Pacha, réalisé par Georges Lautner, devenu alors nouveau maître étalon de Jean Gabin pour les années suivantes, Le Soleil des voyous fut lui aussi un joli succès populaire. Un succès peu risqué, mais un succès tout de même.
S'approchant d'une fin de règne presque absolue de deux décennies, Jean Gabin ne s'écarte que très rarement de sa figure de bon père au code immuable (ici il rejette violemment tout trafic de drogue), de force tranquille, de vétéran assagi mais qui ne se fait plus beaucoup d'illusions. Qu'il soit patriarche d'une grande famille bourgeoise, prolétaire bougon, flic usé ou truand à la retraite, Jean Gabin est cette marque qui séduit les français, ce rendez-vous rassurant. Retrouvant pour la dernière fois le Jean Delannoy de ses deux premiers Maigret et du Baron de l'écluse, l'acteur retrouve, sans être péjoratif, des chaussons confortable et qui lui vont bien. Voici donc Denis Ferrand, ancien braqueur et as de la cambriole, reconverti en propriétaire de bar et dont les rêves d'un dernier grand coup, la banque d'en face, vont devenir réalité après ses retrouvailles avec Jim Beckley. Un américain, vieux pote de l'armée, qui justement va se permettre d'incarner tout ce que Gabin refuse désormais : de la fougue, de l'action et de la séduction. Échappé du succès planétaire des Incorruptibles, le charismatique Robert Stack joue la carte du héros complémentaire, homme d'action (le film s'appelle Action Man aux USA) qui prend les choses en mains lorsque le pépère franchouille a fini de cogiter.
Gabin retrouve son épouse calme et patiente Suzanne Flon d'Un Singe en hivers, Stark lui s'envoie la sculpturale Margaret Lee plus habituée aux délires pop italiens. Un duo viril qui est pour beaucoup dans le charme de ce petit film de casse aux notes finalement presque exotiques, dont le plan concocté se révèle aussi rodé que carré, accompagné par une mise en scène fonctionnelle mais suffisante. Comme souvent dans ce genre d'exercice, ce serait finalement plus dans les contours et les petits éléments qui viennent gripper la machine, que le spectateur trouve véritablement son compte. Walter Giller en gangster fragile voir souffreteux, fils à maman (qui elle manie le tromblon), est irrésistible et offre un sacré contraste avec les protagoniste qu'il va asticoter. Mais la grande gagnante de Le Soleil des voyous reste sans conteste la pin-up Margaret Lee, aux petits airs d'Angie Dickinson, fausse blondasse frivole, maire-couche-toi-là écervelée, qui va habilement mener sa barque et mettre les gonzes dans la panade comme une petite revanche. Pas forcément une grande date dans la longue liste des production Jean Gabin, mais un petit divertissement bien troussé, assez rythmé et peaufiné par quelques dialogues bien sentis signés Alphonse Boudard (Le Solitaire). C'est carré, c'est français.



