Quel avenir pour une jeunesse livrée à elle-même dans un Hongkong en pleine rétrocession ? Entre rêves d'évasions lointaines et crudité de la dur réalité, Spacked Out dresse le portrait de quatre adolescentes un peu paumées, un peu bancales, un peu borderlines, mais où la cruauté, réaliste, n'empêche pas l'apparition d'une certaine poétique.
Produit par la société Milkyway du formaliste Johnny To et production Hongkongaise frappée du sceau (infamant?) de la catégorie III, surtout réservé aux films érotiques, ultra violent et gores, Spacked Out ne ressemble certainement pas aux attentes qu'il installe dans l'esprit du spectateur. Car s'il s'est effectivement retrouvé dans la case des films pour adultes aux contours douteux, c'est surtout par la volonté du réalisateur Lawrence Ah-mon de révéler le vrai visage des adolescents de son époque. Très loin de la comédie générationnelle, de la chronique romantique sucrée ou des postures célébrants la délinquance juvénile au ralentit, il se rapproche au plus près de ces quatre jeunes filles désœuvrées et restitue avec fermeté leur langage, leurs attitudes, leur camaraderie parfois vacharde et leurs expérimentations jamais très loin, forcément, de la mise en danger. Étonnant dès lors de voir dans un film chinois, d'autant plus encore aujourd'hui, ces demoiselles parler cul, évoquer leur vie sexuelle précoce pour des gosses de 13 ans, avoir une relation amoureuse homosexuelle, s'essayer à la drogue et aux petits trafics... Tout cela entre quelques prises de becs à coup de cutter entre bande et une pauvre demoiselle qui se scarifie en plein court.
Un pendant HK du cinéma de Larry Clark mais avec une démarche formelle peut-être plus subtile, qui se donne tout d'abord des airs de chronique presque légère, évanescente, reprenant les codes du journal vidéo intime, éclaté, caméra à l'épaule, pour lentement glisser vers une structure plus stable, plus posée, mieux à même finalement de confronter le spectateur à l'ultime limite que les protagonistes menacent de franchir. Livrées à elles-même, sans véritable présence adulte responsable évoquée dans le film, elles vont finalement trouver leur propre équilibre seul après une nuit de débauche technoïte et un avortement mis en scène comme un cauchemar sordide qui met particulièrement mal à l'aise. Sans jugement mais avec une certaine tendresse Lawrence Ah-mon prend clairement parti pour ses personnages, à qui il est forcé de laisser les coudées franches pour mieux rappeler que l'adolescence est très souvent un chemin solitaire, loin de la société qui les juge. A ce titre, les contours du métrage, sa description d'une société elle même entre deux « âges », entre peinture d'un cadre scolaire vide et autoritaire, couloirs tentaculaires des fameuses galeries marchandes (voir Bio Zombie), éclairages artificielles, murs en béton fatigués et taudis de l'accumulation, donne certainement, comme à la petite bande, l'envie de s'échapper loin... Peut-être vers ce japon plus lumineux, où les attendent les cousines du Love & Pop d'Hideaki Anno, auquel Spacked Out fait parfois penser.



