Si la Corée du Sud continue d'asséner à intervalle régulier de bons gros morceaux de cinéma bien trippants, il faut avouer que, le dernier Bong Joon Ho mis à part, la plupart d'entre eux sortent dans nos salles en catimini et dans l'indifférence quasi générale. Un comble qu'une sortie en vidéo est à même de combler et ce, même si celle ci ne se fait malheureusement qu'en DVD. En quoi ???
L'histoire maintes fois rabâchée du sac plein de pognons fonctionne toujours. D'où vient-il ? A qui appartient-il ? De quel crime odieux est-il la conséquence ? Les premières minutes de Lucky Strike tiennent uniquement sur ces interrogations. Un sac laissé à la consigne d'un sauna et autour duquel va progressivement se tisser un écheveau complexe de huit personnages qui n'ont tout d'abord absolument rien à voir ensemble et qui vont se retrouver tous plus ou moins impliqués dans le sillage de cette somme d'argent. On pense forcément au cinéma de Tarantino, de Guy Ritchie, mais loin de ne concerner qu'une bande de gangsters ou de mafia locale, les protagonistes de Lucky Strike, adaptation d'un roman de l'auteur japonais Keisuke Sone, sont au contraire, pour la plupart, des hommes et des femmes de la rue, qui par un affreux concours de circonstances, vont se retrouver embringués dans une histoire qui les dépasse totalement. Il y a d'abord un simple employé d'hôtel, rabroué par un patron deux fois plus jeune que lui et qui doit payer des études universitaires coûteuses à sa fille ; un agent des douanes ensuite, dont la petite amie l'a quitté en lui laissant une très grosse dette auprès d'un patron de la pègre locale ; une hôtesse de bar, enfin, victime d'un mari violent et qui va tout tenter pour s'en débarrasser. Tous ces personnages vont progressivement interagir ensemble, tout au long d'une intrigue décomposée en six chapitres et qui va évidemment ; au fur et à mesure de son développement, devenir de plus en plus tendue, violente et sanglante.
Au contraire d'un Guy Ritchie ou d'un Tarantino qui vont toujours insérer des éléments permettant de prendre une certaine distance avec leurs récits (décalage morbide, violence gratuite et humour noir), Lucky Strike impose lui une noirceur et un premier degré assez clairs dès le départ. Des velléités qui se retrouvent tout d'abord dans la réalisation, plutôt classique et sans esbroufe, de Kim Yong-Hoon, dont c'est le premier film, mais aussi dans le scénario (qu'il signe tout seul également) qui prend son temps lors des trois premiers chapitres du récit avant d'abattre très efficacement ses cartes. Enfin, la dimension sociale, qu'on retrouve décidément beaucoup ces derniers temps dans le cinéma coréen, finit de donner un relief et un certain réalisme à sa galerie de personnages, tous motivés non pas par une simple avidité mais bien par le seul espoir de survie sociale que représente cet argent (presque) tombé du ciel. Une survie au coeur du film, donc, qui prend la forme d'une lutte acharnée entre dominé(es) et dominant(es) et symbolisée par l'image du requin. Autant de bonnes idées qui, mises bout à bout, forment au final un film certes modeste mais indéniablement réussi. De ceux qu'on découvre sans rien en attendre mais qui au final s'imposent comme de très bons moments passés devant l'écran et qui méritent donc, plus que jamais, d'être redécouvert lors de leur sortie vidéo.




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