Historiquement, le troisième film de George Pan Cosmatos fait le lien entre l'apogée du film catastrophe (Airport et sa suite, L'Aventure du Poséïdon, La Tour Infernale, Tremblement de Terre) et son inévitable déclin (matérialisé par ... L'Inévitable catastrophe !). Culturellement, et sans nul doute en raison de l'implication du producteur italien Carlo Ponti, Le Pont de Cassandra est l'itération la plus branque, la plus décomplexée et la plus bis d'un genre qui, de par ses castings prestigieux et ses budgets conséquents, se voyait comme relativement noble. Fuck la respectabilité et embarquez en première classe pour le voyage en train le plus improbable et le plus fun qui soit !
Voyant que les films catastrophes remplissent les salles et les tiroirs caisses, le producteur anglais Lew Grade (Les Sentinelles de l'Air, entres autres) et donc Carlo Ponti décident de s'associer pour pondre un blockbuster de leur cru, juste histoire de prouver que le vieux continent en a encore suffisamment dans le pantalon pour concurrencer Hollywood sur son propre terrain de jeu. Et puis Ponti, incurable romantique, brûle d'offrir à son épouse, la « mammamiesque » Sophia Loren, un succès dans l'air du temps. Sur la base d'un script de Robert Katz remanié par Tom Mankiewicz, le duo jette son dévolu sur un réalisateur italo-grec, George Pan Cosmatos. Également scénariste, le bonhomme, qui s'est illustré avec Sin (un thriller à base de crime passionnel avec Raquel Welch) et le très solide SS Représailles, déjà co-écrit avec Robert Katz, semble être le choix idéal. Pensez donc, il a survécu à un tournage avec Richard Burton sans perdre son calme ! Après les révisions d'usage sur le scénario et un montage financier complexe qui - certains y verront une belle dose d'ironie bancaire - permet un tournage très avantageux en Suisse, la machine est lancée. Et quelle machine, mes aïeux ! Entre des caprices de stars, des prises de vues aériennes spectaculaires et des attaques d'indépendantistes du Jura Suisse, George Pan Cosmatos, encore loin de signer Rambo 2 et Leviathan, livre à l'arrivée un tour de montagne russe certes très discutable mais ô combien jouissif.
Le Pont de Cassandra, c'est d'abord un casting pas piqué des hannetons : Richard Harris (dans un rôle que devait tenir Peter O'Toole, un alcoolique en chasse un autre), Sophia Loren (toujours aussi belle mais pas vraiment crédible), Ava Gardner en cougar bouffie, O.J. Simpson en faux prêtre, Martin Sheen avec les cheveux longs et qui fait le poirier en slip (Kamoulox!), le vénérable pillier de l'Actors Studio Lee Strasberg en ancien déporté juif et, last but not least, le duo Burt Lancaster / Ingrid Thulin (beaucoup de Bergman et le cultissime Salon Kitty de Tinto Brass) qui, livrés à eux-même dans un centre de commande, semblent jouer dans un tout autre film. Et l'histoire dans tout ça ? Jetez un terroriste contaminé par un virus top-secret dans l'express Genève-Paris-Bruxelles et vous obtenez un hybride entre le film catastrophe de base et le thriller paranoïaque typique des 70's avec une chansonnette hippie scandée par la mimi Ann Turkel et une fin aussi déprimante que gratuite en sus. Sincèrement, tout ceci ne tient pas debout et le simple fait que ce foutu train continue de rouler alors qu'il suffirait de l'immobiliser et de mettre tout ce beau monde en quarantaine défie toute logique.
Mais il faut reconnaître au sous-estimé George Pan Cosmatos un don pour faire monter la tension et ne jamais relâcher son emprise sur un spectateur de plus en plus incrédule. Car le bougre croit en ce qu'il filme et ça fait toute la différence. Rythmé avec goût par un score tantôt jazzy, tantôt nerveux du grand Jerry Goldsmith et affichant un bodycount cruel et généreux, Le Pont de Cassandra est de cette race de divertissements qui ignorent le bon sens et jouent les équilibristes pour mieux satisfaire un public en manque de sensations fortes. Et devinez quoi ? La critique de l'époque a copieusement détesté. Fichtre ! Pour la peine, ces gens-là mériteraient d'être précipité du haut du pont de Cassandra par un général américain aussi inflexible que Patton sous cocaïne ! Double Kamoulox ?



