Quelle était belle l'année 1983 pour la Paramount ! Car si ce n'est le rouleau compresseur du Retour du Jedi, le studio trustait les premières places du box office le propulsant au sommet de la rentabilité et de la reconnaissance critique. Les cinq oscars remportés par le studio pour Tendres passions allaient côtoyer les surperformances de Flashdance et de Staying Alive. Paramount avait encore à livrer la comédie de l'année avec Un fauteuil pour deux.
Heureux d'avoir piqué à la Universal le réalisateur des Blues Brothers, John Landis, le studio va mettre toute sa confiance dans ce projet. Pour le conforter, il va pouvoir compter sur le carnet d'adresses du metteur en scène pour ramener ses potes Frank Oz et Jim Belushi sur le plateau, histoire de faire un petit coucou face caméra. Et comme travailler avec ses copains est très important le monsieur, il ne va pas se gêner pour embarquer son Elwood blues Dan Aykroyd dans le rôle principal bien avant qu'il aille à la chasse aux fantômes avec les autres Ghostbusters. Face à lui, un petit nouveau de la comédie va lui tenir la dragée haute comme il l'a fait l'année précédente face à Nick Nolte dans 48h : Eddie Murphy. S'ajoutent à eux des seconds rôles de luxe que sont Don Ameche, Ralph Bellamy et la plus sexy que jamais Jamie Lee Curtis.
Ce n'est pas parce que c'est une comédie qu'il faut la bâcler. John Landis le sait bien et va nous la filmer avec goût et dynamisme. Il sait mélanger intelligemment la comédie pure et dure aux sarcasmes à peine maquillés de la mondialisation et de la réussite à tout prix si chère à l'american way of life. Il ne s'en cache d'ailleurs pas puisqu'il donne le ton dés le générique du début où ces symptômes apparaissent confrontant l'Amérique à sa triste réalité. Celui-ci se déroule en montage alterné mettant dos à dos le quotidien des SDF au levé du jour et celui de la haute société par le biais d'un majordome (Denholm Elliott, le génial Marcus des Indiana Jones) préparant le repas de son « maître ». Le film ne déviera pas de ses propos qui sont le cœur même de son pitch : un pari fait intervertir les rôles de deux personnes qui n'ont rien demandé. Un riche trader va se retrouver mendiant tandis qu'un sdf va être propulsé trader. Il ne faudra pas longtemps pour que les rôles s'inversent et que le pouvoir monte direct à la tête du nouveau riche devenant par la fièvre de l'argent un personnage sans scrupule envers le petit peuple dont il faisait partie. Cette usurpation d'identité veut nous prouver par là que chacun est le pion du plus fort, du plus riche, que la réussite n'est qu'une question de circonstance en étant juste au bon endroit au bon moment. Bien sûr, lorsque c'est dit sous couvert de comédie, les propos passent mieux. Les acteurs s'amusent comme des fous (mention spéciale à Aykroyd) et leurs bonne humeur est communicative. Même si Landis n'évite pas quelques longueurs, il nous gratifie d'une séquence d'anthologie que n'aurait pas renié le Blake Edwards période Panthère rose à bord d'un train. Le réalisateur retrouve son énergie effarante et dévastatrice des blues brothers allant jusqu'à parodier son premier film Shlock et son singe en costume. Anthologique !
Comédie d'une autre époque, le langage et le propos ne seraient plus abordés de la même façon. Les mœurs veulent nous faire croire qu'elles ont changé, mais non. L'esprit bon enfant surpasse la dramaturgie du contexte et si dure sera la chute de certains protagonistes, plus réussie sera la comédie dans les mains d'un John Landis
« Fable moderne aussi amorale que jouissive, Un Fauteuil pour deux retrouve la forme des grandes comédies d'Hawks, Capra et Sturges mais avec la férocité des 80's. Et puis quelle troupe d'acteurs ! »
NBD.


