Entachée par une carrière d'acteur ressemblant plus à un interminable clip et une succession de demoiselles en bikini, Elvis Presley avait pourtant d'authentiques ambitions d'acteur. Rare métrage totalement sérieux de sa filmo, Les Rôdeurs de la plaine est, malgré quelques faiblesses, un beau western, crépusculaire et engagé.
Logique donc que ce dernier n'ait pas été conçu comme un véhicule pour le King, mais bien au départ comme un script imaginé pour l'immense et intense Marlon Brondo, comme un nouveau plaidoyer pour la « cause » indienne. Mais les petites affaires des studios et un certain Colonel Parker sont passés par là, s'appropriant le projet pour en faire un nouveau divertissement à la gloire du beau (?) Presley. Sauf que c'est bel et bien le solide Don Siegel qui se charge de la mise en scène. Un artisan des studios (Invasion of the Body Snatchers) qui n'a pas encore la stature incontournable qu'il aura dans les années 70 avec Clint Eastwood (Les Proies, L'Inspecteur Harry), mais dont le caractère bien trempé impose le respect. C'est lui qui va empêcher l'œuvre d'enquiller les chansons malvenues dans un contexte assez dramatique, mais aussi refuser catégoriquement un happy end hors sujet. Une catastrophe évitée de peu qui est reconnue dès lors comme le meilleur film de la carrière de Presley et sans doute son rôle le plus intéressant. Cela ne l'empêche pas de rester constamment en retrait dans ses intentions (on hésite entre la retenue et l'impassibilité), de contraster avec son phrasé typique, mais force est de constater qu'en jeune métis tiraillé par ses origines, il fait le job.
Et on sent ainsi constamment son implication sincère dans un western qui succède de quelques mois à peine Le Vent de la plaine de John Huston et embrasse un propos équivalent sur la place des métis indiens dans l'histoire du pays. Ici une famille entière, car recomposée et multi-ethnique se retrouve symboliquement et géographiquement entre le camps des blancs (soit-disant civilisés) et la tribu indienne des Kiowa légitimement sur le chemin de la guerre. Un déchirement inévitable et un enchainement d'épisodes catastrophiques qui ne font que renforcer une tragédie en construction, où le racisme réciproque est illustré avec souvent beaucoup plus de finesse (les allusions au repas en ouverture) que de lourdeur (l'assaut sordide des prospecteurs). On reconnait immédiatement le talent de Siegel pour composer admirablement ses tableaux avec un cinémascope usant de son étendue pour souligner les enjeux humains, mais aussi pour parsemer le drame d'une violence sèche, brutale et expéditive, apportant un réalisme bienvenue à un Flaming Star s'empêtrant parfois dans un discours pilonné (le monologue final de Presley), mais constamment rattrapé par un Siegel étonnement lyrique avec, entre autre, une lente agonie de la magnifique Dolores del Rio (L'Oiseau de paradis) comme une illustration frontale de la cause indienne. Et fait surprenant, même la chanson titre, futur single de Presley, se révèle bien plus fataliste qu'à l'accoutumée.




