Projet de longue haleine injustement boudé en 1988 en dehors du soutient de quelques rares revues critiques (Starfix et Mad Movies pour la France), Appel d'urgence est rapidement devenu un film culte aussi loué que difficilement visible. Pure produit esthétique de son époque, mais au propos tristement toujours aussi actuel, Miracle Mile reprend son nom et s'offre une nouvelle vie.
Annoncé comme un grand film catastrophe sur fond de guerre nucléaire déclarée, Miracle Mile arrive malheureusement un poil trop tard, alors que les deux grandes puissances ennemies sont en train de faire machines arrière dans leur course à l'armement. Une détente semble à l'heure du jour, et le second long métrage de Steve De Jarnatt fait figure de production anachronique. Pas vraiment une volonté de son metteur en scène puisque le scénario dort dans les tiroirs de la Warner depuis presque 10 ans, refusant de donner la liberté requise à son créateur. Après un mignon et kitch Cherry 2000, De Jarnatt rachète son script et réussit finalement à monter l'entreprise auprès d'une société de production bien plus modeste (Hemdale Film Corporation) entrainant forcément un statu moins luxueux, mais aussi un casting sans stars pour plus de crédibilité, et une assurance d'aboutir à une œuvre personnelle. Car sous ces dehors de délire apocalyptique et paranoïaque, Miracle Mile est au préalable une comédie romantique, récit désuet et léger d'une rencontre amoureuse entre Harry (Anthony Edwards, le futur Dr Green d'Urgence) et Julie (Mare Winningham) qui se poursuit par un rendez-vous manqué que le jeune homme va tenter de rattraper. Couleurs pétantes, vêtement so 80's, ambiance chaleureuse, et pourtant déjà le dérèglement pointe son nez dans une image symptomatique de la mare d'asphalte de La Brea Tar Pits où trône une superbe canette de coca, ou un pigeon qui met le feu à son nids après avoir emporté un mégot avec lui... Une façon de souligner que l'humanité mérite ce qui lui pend au nez.
Cultivant les changements de tons, de genres, et d'optiques, Miracle Mile bascule forcément lors d'un simple coup de fil accidentel, annonçant au héros que des missiles nucléaires s'apprêtent à frapper le sol américain. Des ogives américaines, russes ou autres ? De Jarnatt ne tranchera jamais, laissant planer même un léger doute sur la véracité des faits, préférant scruter avec une pointe de sadisme la frénésie qui va peu à peu s'emparer de la population tandis que l'information se répand. Alors que Harry se voit presque comme l'antihéros du After Hours de Martin Scorcese, perdu dans un Los Angeles vide et froid (les rues montrées sont excessivement rares au cinéma d'ailleurs), espérant retrouver sa belle et s'envoler avec elle vers un horizon bien optimiste, le reste n'est que chaos et dégradation. Les visions de rues plongées dans une décadence hallucinée, entre pillages, violences gratuites et sauvage, folie totale et fornication contre les murs, restent aujourd'hui aussi impressionnantes que réalistes et crédibles. Peu importe finalement que le metteur en scène s'embourbe parfois dans la géographie de sa ville, dans sa gestion de l'espace, l'enfer naissant est particulièrement saisissant. Dépressif, désespéré, bel et bien noir à souhait, Miracle Mile serait sans doute presque insupportable si dans sa réflexion sur la trace qu'on laisse au monde (« c'est le tour des insectes maintenant ») il ne laissait pas affleurer tout autant une certaine beauté de l'humanité : quelques élans fraternels, une prépondérance du sentiment amoureux, le sens du sacrifice, et une vision de la société sans question de race ou de sexualité, où personne n'est défini par son apparence. Ce sont ces instants de lumière qui achèvent de faire de Miracle Mile un authentique petit diamant.




