Avant de s'adonner de façon très originale au Slasher, avec le somptueux Candyman, Bernard Rose avait réalisé en 1988 une œuvre plus intimiste mais non moins charnière pour sa carrière, depuis quelque peu tombée dans l'oubli et jusqu'à aujourd'hui inédite en DVD et Blu-ray. Une lacune comblée par le magnifique travail de Metropolitain qui avec cette galette rend hommage à l'œuvre surréaliste et poétique de Bernard Rose.
Majestueux film sur le passage de l'enfance à l'adolescence, sur l'imaginaire et son importance au quotidien, Paperhouse est une œuvre magnifique et impérissable sur le pouvoir du rêve qui transpire la poésie à chaque photogramme grâce à une esthétique singulière, sublimée par la somptueuse musique du jeune Hans Zimmer, au service d'une morale des plus astucieuses. Jamais véritablement naïf Bernard Rose prend ici à contre-pied les films sur l'enfance qui font fureur dans les années 1980 (E.T, Les Goonies, Explorers, etc.) et agrémente son histoire de parcours initiatique d'images à la fois très rudes et de moments aussi baroques que complexes. Malgré cela, malgré le sujet de son film, Bernard Rose ne verse jamais dans le film psychanalytique et soporifique. Le spectateur et l'analyste, sur un pied d'égalité sont ainsi aussi perturbés qu'enchantés devant tant de simplicité, devant une telle histoire et un concept qui ne tient pas toujours la route mais qui produit une telle ambiance et une telle poésie que tout lui est toujours pardonné, comme ses dernières minutes, par exemple, quelques peu poussives. Ce n'est pas tant la fin en elle-même qui déçoit, mais davantage la façon quelque peu déceptive que choisit le cinéaste. Tellement attaché à ses personnages, littéralement subjugué par cette étrange petit fille curieusement androgyne qui va apprendre à son niveau à aimer, le cinéaste ne peut en effet se résoudre à finir le film et à la voir partir sans la savoir heureuse, de la même façon que l'héroïne ne peut se résoudre à laisser partir son compagnon de rêve avant d'être intimement persuadé que celui-ci est heureux.
Réalisé en 1988, Paperhouse derrière son sujet intimiste est un projet ambitieux, fait de bric et de broc avec son univers onirique et sa maison de papier mâché totalement surréaliste, mais certainement quelque peu casse gueule. En effet, le film ne doit le soutien de ses producteurs que grace aux succès des Griffes de la nuit (et de ses deux suites) et les similitudes existantes dans leurs dimensions oniriques et effrayantes, ainsi qu'une certaine proxomité avec le Slasher. Et pourtant dans Paperhouse c'est avant tout la dimension lyrique et enchanteresse qui prime, une dimension qui va d'ailleurs par la suite structurer ses œuvres les plus personnelles. Dans Candyman, qui reste à ce jour son film le plus abouti, le fantastique émerge d'ailleurs comme ici d'une certaine misère urbaine et se manifeste de façon incroyablement poétique à travers une esthétique emphatique qui charpente également son magnifique et particulièrement inspiré Ludwig Van B. C'est d'ailleurs pour cela que l'on retrouve soudainement dans la deuxième partie du film une dimension slasher très appuyée et très peu naturelle, comme imposée par les studios, montré par exemple dans la représentation du boogeyman, le père, qui entre dans le champ de façon très iconique, tel Michael Myers dans le Halloween de John Carpenter. Pour autant, le cinéaste surmonte avec brio cette figure imposée et l'intègre parfaitement au film en en faisant le point d'orgue de son récit, à travers un long climax terriblement baroque qui vient clore le très long entremêlement du rêve et de la réalité dans le film.
Entre œuvre personnelle et figure imposée, Bernard Rose réalise avec Paperhouse ce qui reste à ce jour l'un des plus beaux films sur la puissance de l'imaginaire. Naïf mais jamais balourd, complexe mais jamais pompeux, le film est un petit bijou du cinéma fantastique, aussi important pour l'imaginaire de nombreux cinéastes qu'indémodable comme en atteste Pascal Laugier dans les bonus de la galette.



