Alors que le phénomène s'était dissipé peu après le triomphe du Projet Blair Witch, 2008 aura vu la sortie d'une pléthore de documenteurs, parmi lesquels [Rec] de Jaume Balaguero, Diary of the Dead de George A. Romero et ce Cloverfield parrainé par l'étoile montante d'Hollywood, J.J. Abrams.
Vendu à grands renforts de teasers choc (le plus célèbre voyant la chute en plein Manhattan de la tête de la statue de la Liberté, une image utilisée a posteriori comme affiche), de faux sites web concoctés par l'équipe du marketing et dissimulé sous des titres énigmatiques (le premier étant carrément la date de sortie américaine : 1-18-08), Cloverfield avait su faire monter la sauce. Au point que son genre proprement dit, le film de monstre à la Godzilla, restera jusqu'au bout un secret pour la quasi-intégralité du public, de même que la physionomie de sa créature. C'est presque là le plus beau tour de force du film de Matt Reeves, à une époque où la surcommunication parvient à éventer les tenants et aboutissants du moindre blockbuster. Mais le résultat en valait-il la chandelle ?
Faux-événement ayant permis à la clique de J.J. Abrams de rassurer la Paramount quant à sa validité commerciale après le semi-échec de Mission : Impossible III (et pour cause, la bande s'attaquant en parallèle à la renaissance de la franchise Star Trek), Cloverfield ne brille ni par son originalité, ni par ses enjeux dramatiques proches d'un soap opera. La gestion de la caméra-vérité tourne également bientôt à vide, le réalisateur ayant eu la fâcheuse idée de confier son objectif à un comique de service parkinsonien, incapable de tenir un cadre droit malgré le stabilisateur ultra-évolué de sa caméra HD (laquelle caméra capte les dialogues alentours comme si tout le monde disposait d'un micro-cravate ; passons). L'intérêt est ailleurs, dans le gigantisme avec lequel Reeves décrit la lente destruction de New York. Bénéficiant d'effets visuels ahurissants (signés Phil Starship Troopers Tippett ; ceci explique cela), Cloverfield aligne les peintures apocalyptiques inédites, et use parfois d'environnements triés sur le volet (un magasin Hi-Fi où des dizaines d'écrans diffusent en simultané plusieurs chaînes d'infos) pour multiplier les angles au sein même de ses plans-séquences. Divertissement graphiquement foisonnant en dépit de sa structure linéaire, Cloverfield se paie enfin le luxe d'idées narratives en adéquation parfaite avec son sujet, comme ces images heureuses, enregistrées un mois avant le désastre, que le cinéaste intercale à l'action à chaque fois que le cadreur éteint la caméra. Une manière de rappeler, alors que la K7 se voit bientôt emplie de bruit et de fureur, que rien ne pourra nous ramener en arrière.