Succédant à Danny Elfman (L'Etrange Noël de M. Jack), Randy Newman (James et la Pêche géante) et Anne Dudley (Monkeybone), Bruno Coulais hérite de la lourde tâche d'illustrer musicalement le dernier film d'animation d'Henry Selick. Un défi que l'auteur des Rivières pourpres et de La Planète blanche saisit à bras-le-corps, profitant de l'occasion pour repousser encore un peu plus loin ses expérimentations chorales.
Il ne fait aucun doute que le nom de Bruno Coulais s'est retrouvé associé à Coraline grâce au triomphe international des Choristes. Belle ironie, la partition du film de Christophe Barratier étant loin, en dépit de ses indéniables qualités, de représenter l'âme première du travail de Bruno Coulais. Ce même Coulais qui, et il ne s'en cache pas, est loin de considérer cette composition comme l'un des grands moments de sa carrière. Motivation d'embauche oblige, on reconnaîtra donc ici et là, au fil de l'album de Coraline, quelques accents des Choristes. Notamment dans l'emploi d'une voix d'enfant aérée et vagabonde, rythmant d'une petite mélodie entêtante le quotidien un peu banal de l'héroïne ("Installation"). Heureusement, le maestro a semble-t-il convaincu très vite son réalisateur de s'affranchir de ses références.
Toujours prompt à rechercher les mariages de sonorités les singuliers, Coulais part dans des directions inattendues, mutilplie les cordes pincées lorsqu'on attendrait instinctivement des cuivres, met en avant une chanteuse soliste au phrasé très articulé tandis qu'on s'attendrait à un tonnerre de voix, cligne de l'oeil (consciemment ?) au Lac des cygnes de Tchaïkovsky plutôt que de céder au petit Danny Elfman illustré... C'est dire si ce Coraline a du goût, voire du courage de surfer à contre-courant du diktat de la musique hollywoodienne actuelle. La première écoute (ni la seconde, d'ailleurs) n'est certes pas aussi imparable que pour La Planète blanche ou Les Rivières pourpres, passé un générique d'ouverture absolument phénoménal, mais l'ensemble, proche dans l'esprit du très original Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban de John Williams, a tous les arguments pour convaincre.