Véritable légende de la BD japonaise, Rumiko Takahashi n'est pas seulement l'auteur émérite de Ranma ½ ou Inu-Yasha, mais a aussi publié tout au long de sa carrière des histoires courtes, récréatives ou débridées, recueillies plus tard au sein des Rumic World. Et Tonkam semble décider à en relancer la traduction française.
Certains volumes de ces anthologies avaient donc déjà été proposés en français soit La Tragédie de P, Un Bouquet de fleurs rouges et Le Chien de mon patron, mais dans des formats souples. Encore inédit chez nous, 1 or W débarque directement sous un format beaucoup plus luxueux avec couverture solide, reliure piquée, ruban marque-page et jaquette. Un bel album en somme qui, on l'espère, va ouvrir la voie à quelques rééditions du même type et peut-être d'autres inédits. Pour l'instant en tout cas, le présent volume reflète assez fidèlement à la fois la teneur des ses nouvelles graphiques et plus généralement de son œuvre. Publiées entre 1978 et 1991, sois un laps de temps assez large, les neuf histoires sont toutes des comédies charmantes, souvent délirantes, imposant immédiatement son sens de l'absurde, du décalage, avec des attributs fantastiques légers, plus comme alibi que comme point d'encrage. Les fans de Ranma1/2 le savent parfaitement, les changements de corps, d'apparences ou les apparitions d'esprits, sont toujours le moteur à un humour de situations hilarantes à grand coup de quiproquos, de disputes de sales gosses et d'élans romantiques adolescents.
On ne peut faire plus vrai avec Je suis un chien et alors ? où un jeune boxer se lance dans un match pour sauver l'honneur d'une jolie demoiselle... sauf qu'au moindre saignement de nez, il se transforme en chien. Et ce, deux ans avant la série suscitée. Il est évident que la mangaka expérimente ici quelques concepts, comme la farce hystérique avec C'est la faim du monde, combat entre un buddha et un défenseur de la culture de la patate, dont l'énergie est dans la lignée d'Urusei Yatsura, alias Lamu. L'aspect graphique est parfois, il faut l'avouer, très variable, l'artiste à fortement progressé en presque vingt ans (assez logique), mais son regard chaleureux sur les adolescents, et ou jeunes adultes, japonais reste le même. Dans La divinité du régime, elle en profite pour se moquer de la course à la perte de poids, avec les atours d'une comédie romantique digne de Maison Ikkoku. Dans En compagnie de mamie, Invitation au Takarazuka et La Déesse c'est moi, trois fantômes bien différents viennent rappeler aux contemporains quel respect ils doivent aux anciens et à la culture ancestrale. Des divertissements piquants et joyeux, où l'artiste réussit systématiquement à faire aimer ses personnages, fragiles, caractériels mais généreux, en particulier dans l'épisode qui donne son nom à l'album. Un gros foutoir mélangeant entrainement au kendo, esprits qui changent de corps et amours inavoués comme seul Rumiko Takahashi sait le faire, découpage pointu et gags savamment rythmés à l'appui.

